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Théo Peeters Hilde De Clercq |
Les enfants avec autisme ne jouent pas comme les autres enfants. On ne peut toutefois pas parler de comportement typique de jeu propre à l'autisme. Certains d'entre eux n'ont aucune fantaisie ou imagination et d'autres, par contre, jouent un rôle (un prince, par exemple) dont ils ont du mal à se défaire. De nombreuses variations prennent place entre ces deux extrêmes.
C'est précisément dans le comportement de jeu que l'on peut observer le spectre complet des problèmes autistiques. Les personnes avec autisme ont une capacité d'imagination différente et elles ont des difficultés à donner du sens. Pour pouvoir jouer normalement avec d'autres enfants, il faut être apte à communiquer et à comprendre la majeure partie des règles abstraites du comportement social. L'imagination aide à jouer en imitant la réalité. Jouer avec d'autres enfants est bien plus difficile que jouer seul.
Les enfants sans difficulté peuvent être très imprévisibles aux yeux des enfants avec autisme. Ces derniers éprouvent des difficultés dans le monde qui leur semble chaotique. Ils essayent par conséquent de mettre de l'ordre dans ce dédale de stimuli. Ils veulent, par exemple, que les objets aient une place fixe : les chaises bien rangées sous la table, le petit tapis à côté de la table du salon, une table gigogne sous le téléviseur, etc. Ce besoin de repère est appelé la résistance au changement.
Imaginez la difficulté qu'ont ces enfants quand d'autres pénètrent dans leur maison. Ils mettent tout sens dessus dessous, ils parlent trop, ils peuvent être très agités et faire toutes sortes de mouvements difficiles à comprendre pour un enfant avec autisme. Parce que les enfants avec autisme comprennent difficilement le jeu, le langage verbal et le langage corporel des enfants ordinaires, ils préfèrent les activités prévisibles aux relations sociales. Cela peut mener à un comportement qui semble à première vue gênant.
Les personnes qui ont de l’autisme éprouvent des difficultés à aller au-delà de la communication, du comportement social et de la symbolique qu'elles observent. Elles ne peuvent pas en comprendre la signification profonde. On pourrait donc dire que leur problème concerne surtout l'imagination.
Ainsi, c'est pendant la phase de développement du jeu symbolique ou de faire semblant que les difficultés des enfants avec autisme remontent à la surface. Certains enfants peuvent apprendre ces jeux, mais ce n'est pas aussi évident que chez les enfants ordinaires. Lors d'un jeu symbolique, il convient de dépasser la signification littérale. Par exemple, un cube devient une voiture et papa un cheval. La véranda dévient une école et la table de la cuisine un hôpital pour poupées… Il est difficile pour les enfants qui ont de l’autisme de faire semblant ou alors, ils l'ont appris ou copié.
Ces enfants éprouvent parfois des difficultés dans cette phase pour distinguer la fantaisie de la réalité. Ils croient littéralement ce qu'ils entendent dans les contes ou imitent ce qu'ils ont vu dans des films. Mieux vaut donc adapter les histoires afin qu'elles soient plus réalistes. Le vocabulaire peut également être adapté à leur mode de compréhension.
Certains d'entre eux ont un véritable don d'imitation. Ils imitent le jeu des autres enfants jusque dans les moindres détails. Parfois, ils imitent si bien leur institutrice qu'on croirait l'entendre parler. Nous ne pouvons donc pas trop les stimuler à jouer toutes sortes de rôles ou de jeux de rôles car ils auront encore plus de mal à s'en défaire par la suite. Ils savent parfois très bien imiter des chanteurs et des acteurs, mais l'imitation et la création sont deux choses différentes ! Alors qu'un bal costumé peut être une fête pour les enfants sans difficulté, il n'en va pas toujours de même pour les enfants avec autisme. Souvent, cela n'a même aucun sens pour eux. A vrai dire, nous chamboulons souvent le monde et c'est précisément ça qui est si difficile pour ces enfants.
Certains enfants avec autisme jouent, mais avec des jeux bien plus évidents pour eux, comme les Lego Technics. Le plan de construction leur offre un point d'appui. De plus, ce genre de jeu ne chamboule pas le monde. D'autres enfants peuvent passer des heures à lire sagement des livres sur les planètes ou les dinosaures. C'est ce que l'on appelle des intérêts stéréotypés, mais à un niveau supérieur.
Toute la journée, Woutje met les chaises sur une ligne et Dieter fait tourner son train en rond. Ils ne jouent pas vraiment, ça reste une activité stéréotypée. Par contre, Jeroen est absorbé par toutes sortes de jeux. Mais quand il fait le chien pour jouer, il est vraiment un chien et il mord vraiment !
Elke essaie à tout bout de champ d'ouvrir et de fermer les robinets ou les portes, mais elle n'a jamais joué avec ses cubes. Regarder un livre ne semble pas l'intéresser bien que maman fasse de son mieux pour susciter sa curiosité.
Karel pousse les autres enfants de leur chaise afin de pouvoir tout ranger.
Liesje allume et éteint tout le temps la lumière. Pour elle, c'est une activité plus prévisible que les jeux des enfants "agités".
"Et tu dois aussi apprendre à ce petit à jouer ? Il n'est pas encore assez gâté ?". Nous entendions cela fréquemment… C'était clair pour eux : notre enfant passait pour le perturbateur du jeu. Personne ne comprenait qu'il ne pouvait pas jouer comme les autres enfants. Et il n'était pas possible de le lui apprendre.
Hilde De Clercq
Liesbeth a 9 ans, Thomas presque 7. Ils jouaient ensemble.
- Viens, Thomas, nous allons faire une maison de poupées.
- Oui, on va faire une maison de poupées.
Thomas va chercher son coussin, sa couverture... pas pour les poupées mais pour lui. Et pendant que sa sœur arrange le tout, il s'est déjà couché sur son coussin disposé sur le sol.
- Alors, voyons… la véranda, c'est notre maison.
- Oui, notre maison.
- Et l'armoire est la chambre à coucher des poupées.
- Oui l'armoire est la chambre coucher.
- Et nous allons chercher des boîtes à chaussures, elles y dormiront.
- Elles vont dormir là-dedans ? Mais c'est pour les chaussures !
- Oui, mais maintenant, ce sont des petits lits pour les poupées.
- Oui, des petits lits pour les poupées.
- Les mouchoirs, sont nos draps et les serviettes nos couvertures.
Entretemps, Thomas va à la cuisine et sort du tiroir une louche. Il revient près de sa sœur et dit :
- Et ça, cette louche, c'est… notre louche !
Hilde De Clercq
Quand Liesbeth faisait des carottes en plasticine et qu'elle les montrait à Thomas, il les mangeait ! C'est comme ça que Liesbeth apprit qu'il valait mieux qu'elle donne à son frère de véritables choses. Soit de la plasticine, soit une carotte ! Elle lui a appris à jouer avec des pots et des casseroles, il coupait les frites dans de vraies pommes de terre et, pour la Saint-Nicolas, il a reçu un vrai shaker pour faire des milkshakes et pas ces petits objets miniatures bizarres qui sont des accessoires de Barbie.
Hilde De Clercq
Thomas s'intéressait surtout aux trams et aux bus. Je racontais des histoires sur "Le petit Thomas qui était dans le tram 4 avec sa maman et qui avait vu le feu passer au rouge…". Des choses réalistes donc, car les histoires qui faisaient trop appel à son imagination étaient trop difficiles pour lui. Le plus important pour nous était qu'il se rende compte que, comme les autres enfants, il avait lui aussi son moment ‘histoire'. Mais sans lui compliquer la vie, car ça arrivait parfois. Comme le jour où il regardait les pommes rouges chez le marchand de fruits et légumes et qu'il a demandé si elles étaient empoisonnées. C'était la conclusion qu'il avait tirée de Blanche-Neige : les pommes rouges sont empoisonnées.
Hilde De Clercq
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